Quelques collègues et amis m’ont enjoint à partager certains résumés de lecture. Les livres concernés sont souvent des essais cités par de multiples acteurs médiatiques ou universitaires. Leur lecture proprement dite reste toutefois marginale par le grand public, qui n’a humainement pas le temps de se plonger dans de tels écrits. Les noms de concepts augustes et d’auteurs éminents ainsi invoqués ne manquent pas d’auréoler d’érudition celui qui les prononce. L’auditeur peut s’en montrer insatisfait et un désir fugace de remonter à la source s’emparer de lui, sans que le loisir lui en fût laissé par ses occupations quotidiennes.
Un résumé permet d’initier un travail de généalogie en un temps raisonnable pour un esprit curieux. C’est ce que je vous propose ici, avant tout pour pallier mon manque de mémoire et garder trace de mes lectures.
Je tente de m’en tenir à une réduction au dixième du texte original. L’objectivité n’étant pas de ce monde, la sélection des informations pertinentes reste personnelle. Les seules incises de mon cru sont des références additionnelles. La pensée de l’auteur est la seule volontairement transcrite. Aussi, je reproduis certains passages mot pour mot sans utiliser de guillemets. Les fragments élégants et limpides ne méritent pas l’empreinte lourde d’une reformulation. Les erreurs orthographiques et grammaticales sont miennes, en revanche.
Pour cette première édition, j’ai choisi le livre de Graham Allison « Vers la Guerre : L’Amérique et la Chine dans le Piège de Thucydide » publié en 2019 en français chez Odile Jacob (ISBN 978-2-7381-4702-8). Le résumé est aussi disponible au format PDF ici.
- « Vers la Guerre, L’Amérique et la Chine dans le Piège de Thucydide ? » de Graham Allison
- Introduction
- Première Partie/Chapitre 1 : Le Réveil de la Chine
- Partie 2 : Les leçons de l’Histoire
- Chapitre 2 : Athènes contre Sparte
- Chapitre 3 : Cinq-cents ans
- Chapitre 4 : Grande-Bretagne vs Allemagne
- Partie 3 : L’orage qui menace
- Chapitre 5 : Et si la Chine était un pays comme un autre ?
- Chapitre 6 : Ce que veut la Chine de Xi
- Chapitre 7 : Choc des civilisations
- Chapitre 8 : En attendant la guerre
- Chapitre 9 : Douze clés pour la paix
- Chapitre 10 : Quelle direction pouvons-nous prendre ?
- Conclusion
« Vers la Guerre, L’Amérique et la Chine dans le Piège de Thucydide ? » de Graham Allison
Introduction
2 réflexions :
- en termes de compréhension historique, les facteurs structurels qui déclenchent une guerre comptent davantage que l’élément déclencheur, e.g. la course navale entre une Angleterre déclinante et une Allemagne en expansion avant la guerre 14-18 en dit davantage sur celle-ci que l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand.
- « C’est le développement de la puissance d’Athènes qui, inspirant des craintes à Sparte, rendit la guerre inévitable » Thucydide, Guerre du Péloponnèse, Ve av. J.C..
Cette dernière analogie est très bien illustrée par les tensions croissantes entre l’Angleterre et l’Allemagne avant la guerre 14-18. De même pour les EU et l’URSS dans les années 50-60. Elle s’étend naturellement au monde animal (mâle dominant gorille face à la montée en puissance d’un rival) ou économique (monopole contre nouvel entrant).
Notion de Piège de Thucydide : guerre entre une puissance montante et une puissance descendante. Ce piège est-il évitable pour les EU et la Chine ?
Première Partie/Chapitre 1 : Le Réveil de la Chine
« Laissez donc la Chine dormir, car lorsque la Chine s’éveillera, le monde entier tremblera » Napoléon Bonaparte
Agents dormants : agents dont la mission consiste à s’installer à l’étranger pour comprendre le fonctionnement d’une société
Histoire récente de la Chine : Révolution Culturelle dans les années 1960. Revirement capitaliste de Deng Xiaoping dans les années 1980. Lee Kuan Yew, ancien Premier Ministre de Singapour : grand observateur de la Chine moderne. N.B. : grand ami et inspirateur de Deng Xiaoping.
Économie de la Chine:
- PIB : 11 trillions de dollars en 2015
- Commerce extérieur : 4 trillions de dollars (x 100 en 40 ans)
Règle des 72 : 72 / Taux de croissance annuel = nombre d’années pour doubler le nominal
En 1776, Adam Smith publie le livre fondamental « La Richesse des Nations ». 17 ans plus tard, George III envoie un émissaire auprès de la Chine. À l’époque, le travailleur chinois ne dégage pas de surplus au-delà de la subsistance. Aujourd’hui la productivité du travailleur chinois représente 25 % de celle du travailleur américain.
L’attention des EU d’abord portée sur le Moyen-Orient se tourne peu à peu vers l’Asie.
La Chine a déjà dépassé les EU dans de nombreux domaines : plus gros producteur de navires, d’acier, d’aluminium, d’ameublement, de vêtements, de mobiles, d’ordinateurs. La Chine domine l’industrie mondiale de produits manufacturés et est la consommatrice de la plupart de ces produits. Les Chinois ont acheté 20 millions de voitures en 2015, soit 3 millions de plus que les Américains. De même pour la consommation d’énergie.
Fischer : « Si l’on souhaite comparer la taille d’économies nationales, la parité de pouvoir d’achat reste le meilleur outil, notamment en termes de potentiel militaire. »
La Chine contribue à 40 % de la croissance mondiale, malgré son ralentissement. Le développement chinois intègre une révolution industrielle et une révolution de l’information. Quelques chiffres qui donnent le tournis
- La Chine est capable de construire un gratte-ciel de 57 étages en 19 jours.
- 4 millions de km de routes construits entre 1996 et 2016
- 20 000 km de voies ferrées à 290 km/h. 25 000 km de plus sont prévus d’ici 2029. En comparaison, les 840 km de voies ferrées entre Los Angeles et San Francisco ont mis 10 ans à être posés aux EU.
- Revenu moyen par habitant : $193 en 1980, $8 100 aujourd’hui.
- Entre 1981 et 2004, 500 millions de personnes tirées de la pauvreté.
- En 1949, l’espérance de vie s’élevait à 36 ans ; 76 ans en 2014. Le taux d’illettrisme a chuté de 80 % à 1 % sur le même intervalle de temps.
Pour la première fois, l’Asie dépasse l’Europe en termes de richesses privées. Les clients chinois ont acheté la moitié des produits de luxe vendus en 2015.
La Chine est un acteur essentiel de la révolution technologique des NTIC. Classement PISA 2015; Chine 6e en mathématiques, les EU 39e. L’université Tsinghua dépasse le MIT en 2015 dans le classement de l’US News & World Report. Sur les 10 meilleures écoles d’ingénieurs du monde, 4 sont en Chine et 6 aux EU. La Chine a vu sa part de valeur ajoutée dans l’industrie mondiale des hautes technologies de 7 % en 2003 à 27 % en 2014. La part américaine a chuté de 36 % à 29 % sur la même période. Le meilleur super-ordinateur chinois est 5 fois plus rapide que son plus sérieux concurrent américain. La Chine est à l’origine du premier lancement de satellite de communication quantique. On ne peut que constater les échecs des méga-projets américains récents ; l’ouverture de l’usine de production de combustible MOX à Savannah River en Caroline du Sud est reportée en 2048, de même pour le projet de capture du CO2 dans la centrale de Kemper County, Mississippi considérablement retardé.
La Chine intègre le vol de technologie dans sa stratégie de R&D.
Sur le plan militaire, les capacités militaires chinoises ont été multipliées par 8. Le budget de la Défense chinois est de 314 milliards de dollars, soit 2 fois le budget de la Défense russe en PPA. Les Chinois sont une longueur d’avance ou une quasi-parité avec les EU dans 6 des 9 domaines de la capacité militaire conventionnelle.
La Chine met en avant un nouveau concept qui relègue la géo-stratégie : la géo-économie. Une maxime de Sun-Tzu l’illustre ; « L’excellente ultime n’est pas de remporter toutes les batailles, mais de vaincre l’ennemi sans jamais se battre. » Maniement de la carotte et du bâton ; arrêt des exportations de métaux rares vers le Japon en 2010 par exemple. N.B : Sur le pouvoir des métaux rares, lire la fascinante enquête de Guillaume Pitron « La guerre des métaux rares : La face cachée de la transition énergétique et numérique » publiée en 2018 chez Les liens qui libèrent.
Sur le plan des institutions, les institutions mondiales sont des créations américains ; FMI, WB, GATT, WTO. Pékin a créé des rivaux, l’AIIB (Asian Infrastructure Investment Bank) réunit 57 pays et concurrence la World Bank. L’organisation des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) joue un rôle moteur dans le commerce international. Le projet des nouvelles routes de la soie (OBOR : One Belt, One Road) réunit 57 pays et recouvre 900 projets pour un montant investi correspondant à 12 fois le plan Marshall.
Partie 2 : Les leçons de l’Histoire
Chapitre 2 : Athènes contre Sparte
Digression : le journaliste s’attache aux détails, l’historien cherche la vérité parmi plusieurs versions différentes, le chercheur perçoit les causes premières derrière les événements complexes. Thucydide, historien athénien, est le créateur de la Realpolitik, qui prône le réalisme en matières de relations internationales.
Churchill : « Plus vous saurez regarder loin dans le passé, plus vous verrez loin dans le futur ».
La Grèce est envahie par les Perses en 490 av. J.C.. Les cités grecques s’unissent. Célèbres batailles des Thermopyles en 480 av. J.C. et de Salamine en 479 av. J.C..
Le régime politique spartiate est très particulier. Les autorités ont droit de vie ou de mort sur tous les nouveaux nés, qui doivent être sans défauts. À 7 ans, tous les garçons sont envoyés en école militaire et deviennent des citoyens à part entière à 30 ans. À 60 ans, le service militaire se termine. N.B. : sur Sparte, lire l’excellent ouvrage de Nicolas Richer « Sparte : Cité des arts, des armes et des lois » chez Perrin. L’économie spartiate est fondée sur l’exploitation des Hilotes, des esclaves maintenus sous contrôle par la terreur.
Au contraire, la démocratie règne à Athènes, qui tente de propager son sens des arts, sa culture et son régime politique aux autres cités grecques. Les Athéniens sont aussi prosélytes, innovants et audacieux que les Spartiates sont isolationnistes et conservateurs.
Une rivalité oppose Sparte et Athènes. Pour illustration de la méfiance entre les deux cités, Sparte exige qu’Athènes ne reconstruise pas ses murailles après le retrait des Perses. Chaque cité a ses alliés regroupés en une ligue. Certaines cités tentent de rester neutre. La ligue de Délos soutient Athènes, tandis que la ligue du Péloponnèse est menée par Sparte. Des conflits sporadiques (première guerre du Péloponnèse), opposent les deux ligues.
Un traité est passé en 446 av. J.C. pour contenir la rivalité entre Athènes et Sparte ; la Paix de Trente ans. Il interdit un membre d’une ligue de faire défection pour une autre et créé une procédure d’arbitrage et de non-ingérence entre les deux cités. Le traité joue le rôle de catalyseur, et transforme de simples incidents en guerre généralisée :
- 435 av. J.C. : Corinthe, alliée de Sparte, entre en conflit avec Corcyre. Corinthe abrite la deuxième flotte de Grèce.
- 432 av. J.C. : un décret athénien prévoit des sanctions économiques sur Mégare après que la cité a abrité des esclaves athéniens fugitifs et profané des temples.
Malgré l’amitié personnelle entre Archidame II et Périclès, la guerre est déclarée. La deuxième guerre du Péloponnèse durera trente ans et signera la fin de l’apogée grecque. Sparte sort victorieuse, mais très affaiblie. Le conflit est d’une barbarie inouïe. Sur ce sujet, Thucydide déclare : « La justice n’entre en ligne de compte que si les forces sont égales de part et d’autre ; dans le cas contraire, les forts exercent leur pouvoir et les faibles doivent leur céder. » N.B. : Sur la question de la justice des vainqueurs, on peut utilement lire « Nuremberg » de Maurice Bardèche et « La justice des vainqueurs : De Nuremberg à Bagdad » de Danilo Zolo.
pib chine
D’après Thucydide, 3 facteurs ont verrouillé l’impasse de la guerre :
- l’intérêt national : Sparte s’est sentie menacée quand Athènes a cherché à draguer des cités neutres ou des cités alliées
- la peur : une interprétation erronée des intentions de chacun exagère les dangers que peut poser une puissance montante. Exemple : Sparte refuse le secours d’Athènes lors du tremblement de terre de 464 av. J.C.
- le sens de l’honneur : la perception de soi que peut avoir un État, ses convictions quant à la reconnaissance et au respect qu’il mérite. La montée en puissance d’Athènes est aussi une montée en puissance de ses exigences de reconnaissance et de ses réclamations.
Le traité de paix, en interdisant l’ingérence de Sparte et d’Athènes auprès des cités de la ligue adverse, a encouragé la concurrence de Sparte et d’Athènes en termes de pression sur les cités neutres, et a précipité l’arrivée de la guerre.
Chapitre 3 : Cinq-cents ans
16 rivalités sont étudiées. 12 d’entre elles ont fini en guerre. 12 cas ou la suffisance de la puissance émergente se fait ὕβρις et la peur irraisonnée de la puissance régnante se fait paranoïa.
Japon vs EU – Milieu du 20ème siècle
Quelles étapes ont bien pu mener à l’attaque de Pearl Harbor le 7 décembre 1941 ?
D’abord, les puissances européennes contraignent les Japonais à se retirer dpib chinees territoires conquis en Chine lors du conflit de 1894-1895. Vient ensuite la guerre hispano-américaine de 1898 ; les EU colonisent Guam et les Philippines et appliquent une politique d’égalité d’accès du commerce avec la Chine pour toutes les puissances. Le Japon en pleine expansion industrielle voit ceci comme une pénétration intolérable dans sa future sphère d’influence. La Russie a aussi récemment pris possession de Sakhaline.
En 1904, le Japon décide de réagir et déclare la guerre à la Russie et s’empare de la péninsule du Liaodong, de Port-Arthur et de la moitié de Sakhaline, expulse les Chinois de Taïwan et occupe la Corée. En 1931, le Japon envahit une bonne moitié du territoire Chinois et en 1933, proclame « l’Asie aux Asiatiques » (doctrine Monroe à la japonaise) en opposition frontale aux principes de porte ouverte vers la Chine prôné par Washington. En 1941, Franklin Roosevelt décide de restreindre les exportations vers le Japon en matières premières indispensables à une nation industrielle (e.g. laiton, fer, cuivre, pétrole). Cet embargo est insupportable aux Japonais, qui attaquent Pearl Harbor. La résonance avec le décret mégarien est troublante.
Japon vs Chine et Russie – Fin 19ème, début 20ème
1853 : Matthew Perry met fin à l’isolement volontaire du Japon et les oblige à choisir entre l’anéantissement et ouvrir les ports pour ravitailler en carburant les navires de guerre américains. L’économie japonaise se développe de manière foudroyante et ses dépenses militaires s’accroissent considérablement.
En envoyant des troupes mater une rébellion en Corée, où la Chine envoie aussi des troupes, une guerre éclate entre les deux pays en 1894. Le Japon triomphe, mais la Russie et les puissances européennes exigent que le Japon restitue les territoires conquis : la Corée, Taïwan, la Mandchourie du Sud-Est. La Russie lorgne sur cette dernière, qui lui permettrait à terme de menacer directement le territoire japonais. Le Japon humilié se prépare à la guerre avec la Russie, qu’il finit par déclarer en 1904 après avoir exigé le contrôle de certaines zones en Mandchourie.
L’humiliation du Japon a catalysé son envie d’en découdre, le traitement subi n’étant pas, aux yeux des Japonais, en adéquation avec leur puissance réelle et la considération qu’elle devrait susciter. On retrouve le discours de Thucydide sur le sens de l’honneur.
France vs Allemagne – Milieu et fin du 19ème siècle
En cette période, la Prusse englobe de plus en plus d’états allemands. La Prusse l’emporte sur le Danemark en 1864 et sur l’Autriche en 1866. Sa croissance militaire et industrielle inquiète son voisin français.
Bismarck cherche à unifier l’Allemagne mais se heurte aux réticences des dirigeants des différents états et principautés germanophones. Seul une menace suffisante lui permettrait d’unir ces territoires sous le giron de la Prusse. Une invasion française est un bon candidat pour ce faire. Afin que la manœuvre ne soit pas trop grossière, il serait bon que la France passât pour l’agresseur.
Bismarck a l’idée proposer une membre de la maison d’Hohenzollern sur le trône d’Espagne. En cas de succès, la France serait alors prise en tenaille et l’équilibre européen serait menacé. La France exige le retrait du candidat allemand, ce que Berlin refuse. La France déclare la guerre à l’Allemagne et est humiliée.
Ici, Bismarck joue sur la peur de la puissance régnante pour arriver à ses fins. Il cherche à provoquer – et obtient – une réponse irréfléchie de la part de la France.
Angleterre vs Hollande – Milieu et fin du 17ème
Au cours de la première moitié du siècle, la Hollande s’affirme comme première puissance maritime mondiale. L’Angleterre vient mettre au défi la Hollande sur ce terrain en renforçant sa flotte. Les deux nations considèrent le contrôle des mers comme une condition sine qua non de leur survie.
La domination hollandaise repose sur le libre-échange et la liberté de navigation, qui permettent à cette petite nation d’exporter des biens manufacturés partout dans le monde. La domination économique des Hollandais se traduit en termes politiques et les Anglais se sentent floués.
L’Angleterre double la taille de sa flotte entre 1649 et 1651 et revendique la souveraineté sur les mers baignant les îles Britanniques, puis l’exclusivité sur l’accès à ses colonies. Le dirigeant hollandais Johan de Witt juge ces prétentions inacceptables.
Après des négociations infructueuses sur un pacte de défense mutuel et des accords économiques, quatre guerres suivront avant la fin du siècle.
France vs les Habsbourg – Première moitié du 16ème
En ce temps-là, la maison de Habsbourg domine l’Europe. La puissance de la France est bien établie avec de récentes conquêtes en Italie et la plus grande force terrestre d’Europe. La tension monte d’un cran quand Charles Quint et François Ier revendiquent tous deux le trône du Saint-Empire. Le pape Léon X accorde son suffrage a Charles au grand dam de François Ier. Charles Quint conquiert alors de nombreux territoires aux Pays-Bas, en Italie et en Amérique et s’approche de la suprématie mondiale.
L’extension considérable de l’empire de Charles Quint fait peser une menace d’encerclement sur la France. François Ier encourage les alliés de Charles Quint à lui mener une guerre larvée en Espagne, au Luxembourg et aux Pays-Bas. Ces guerres se prolongeront même aux règnes suivants.
La question fondamentale ici est : Charles Quint souhaitait-il régner sur toute l’Europe ? François Ier pensait résolument que c’était le cas. Dilemme de la sécurité de Robert Jervis : une puissance montante peut sous-estimer la crainte qu’elle inspire car elle se sait bien intentionnée. La recherche d’un équilibre par des alliances inédites sous-estime souvent les divergences d’intérêts des nouveaux alliés entre eux. Ces alliances peuvent devenir une plaie plutôt qu’un atout, et même un vecteur de guerre supplémentaire.
Chapitre 4 : Grande-Bretagne vs Allemagne
Situation anglaise
1911 : Churchill devient Ministre de l’Amirauté. Depuis 10 ans, l’Allemagne a considérablement développé son armée et sa flotte. L’Angleterre souhaite conserver sa prééminence sur les mers. Sa survie en dépend. Critère du two-power standard : la flotte britannique doit égaler la somme des deux flottes classées derrière elle. Deux versants de l’attitude britannique vis-à-vis de l’Allemagne :
- multiplication des gestes de détente
- efforts importants sur l’expansion de la flotte
Ces objectifs concordent avec la stratégie classique de l’Angleterre dans sa gestion du continent ; dominer les mers pour garantir l’équilibre des pouvoirs sur le continent. Cette fois, néanmoins, le rival allemand est suffisamment sérieux pour que cette stratégie mène à une guerre généralisée ; les élites britanniques de l’époque en sont conscientes.
1907 : le mémorandum de Crowe décrit la mécanique menant à la guerre. Eyre Crowe est le meilleur expert sur l’Allemagne au Foreign Office. Crowe est défavorable à l’influence militariste de la Prusse sur les autres états Allemands, unifiés par Bismarck en 1871. Il conclut que les intentions de l’Allemagne importent peu, ses capacités seules doivent intervenir dans les décisions anglaises.
Au cours du 19ème siècle, l’Angleterre a construit un empire colonial considérable, et son statut de première puissance mondiale est indéniable. Au début du 20ème siècle, l’Angleterre s’inquiète naturellement d’un déclin possible. Les signes ne trompent pas. La guerre des Boers en Afrique du Sud de 1899 mène à d’humiliants revers pour les Anglais. Les experts allemands de l’époque en concluent que l’Angleterre ne pourrait défendre l’Inde contre une invasion des Russes.
Les principaux rivaux de l’Angleterre sont la Russie, la France, les EU et l’Allemagne. La Russie est en concurrence avec l’Angleterre pour la domination de l’Asie centrale. N.B. : sur ce qu’on appelle Le Grand Jeu, l’ouvrage homonyme de Peter Hopkirk est incontournable. Les frictions avec la France sont avant tout d’ordre colonial (e.g. crise de Fachoda). L’expansion économique des EU et de l’Allemagne inquiètent aussi les Anglais.
Situation allemande
L’Allemagne possède, depuis sa victoire sur la France, l’armée terrestre la plus puissance d’Europe. Depuis l’unification des états allemands, la dynamique économique et scientifique de l’Allemagne est fulgurante. Les exportations allemandes concurrencent férocement leurs homologues anglaises et son PIB dépasse le PIB anglais dès 1910. Par ailleurs, la population allemande est 1.5 fois supérieure à la population anglaise. En 1914, l’Allemagne produit deux fois plus d’acier que l’Angleterre. En 1913, la GB, la France et l’Italie consomment 80 % de l’électricité consommée en Allemagne. Entre 1901 et 1914, l’Allemagne remporte 18 prix Nobel, soit deux foix plus que le RU et quatre fois plus que les EU.
Les Allemands se sentent lésés sur le plan colonial. Les ambitions allemandes croissent. Le ministre des Affaires étrangères allemand Bernhard von Bülow met en place la Weltpolitik : « nous exigeons d’avoir notre place au soleil. » Autre déclaration : « Au siècle prochain, l’Allemagne sera soit le marteau, soit l’enclume ».
Le Kaiser Guillaume II est issue de la famille royale anglaise mais s’estime méprisé par ses autres membres. L’étude de Mahan L’influence de la puissance navale sur l’histoire, qui soutient qu’une grande puissance ne peut se passer d’une force navale imporante, impressionne Guillaume, qui est resté très marqué par les menaces de blocus anglaises lorsque l’Allemagne montrait son soutien aux Boers. Le renforcement de la flotte allemande est confié à Alfred Tirpitz ; la flotte allemande est portée à 38 bâtiments entre 1898 et 1904. Juin 1904 : régate de Kiel. Guillaume exhibe imprudemment les nouveaux bâtiments à Edouatd VII. Dans le mois qui suit, les Anglais dressent un premier plan de guerre contre l’Allemagne.
Montée en tension
L’Angleterre va tenter d’appliquer le two-power standard en réorientant ses forces contre l’Allemagne. Elle allège sa présence navale en Extrême-Orient en signant une alliance défensive avec les Japonais et abandonne les côtes américaines aux EU. Paris et Londres s’entendent pour régler leurs différends coloniaux et signent les accords de l’Entente Cordiale. L’effondrement de la marine russe après la guerre sino-russe de 1904 est aussi une bonne nouvelle pour la GB et place la marine allemande en troisième position mondiale. Ces réalignements diplomatiques permettent à l’Angleterre d’aligner 75 % de sa flotte face à la flotte allemande.
Toujours dans le but de contrer la domination allemande sur le continent, les Anglais signent une alliance avec la Russie 1907 ; la Triple Entente est née. Tandis que l’Angleterre s’inquiète d’une invasion de son territoire par les Allemands, Berlin se souvient avec effroi de l’attaque de Copenhague de 1807, où Londres s’était emparée de toute la flotte danoise. Un scénario similaire pourrait se produire à Kiel. Cela incite les Allemands à doubler les investissements dans les chantiers navals. En 1906, la GB étend sa flotte et développe un nouveau type de bâtiment, le dreadnought, plus rapide et lourdement cuirassé qu’un navire classique avec des canons de 12″. Tirpitz prépare un élargissement du canal de Kiel. Les efforts financiers des deux parties sont considérables. À cette course navale s’ajoutent des conflits coloniaux (crise d’Agadir en 1911) et les craintes d’encerclement de l’Allemagne.
Entre 1908 et 1911, Berlin et Londres tentent de se mettre d’accord pour limiter la course navale, sans succès. En 1912, l’Allemagne décide de produire 3 navires supplémentaires. Parallèlement, Churchill annonce renoncer au two-power standard, mais armera 2 nouveaux navires anglais pour chaque navire allemand supplémentaire. Un nouvel accord pour limiter la course à l’armement échoue en 1913. L’Allemagne n’aura finalement pas réussi à rattraper l’Angleterre.
En parallèle, la Russie s’est relevée de sa défaite de 1905 face aux Japonais et annonce un plan pour étendre ses forces et les moderniser. La Russie peut mobiliser en deux semaines grâce à des investissements français dans les chemins de fer, contre six semaines pour l’Allemagne. On prévoit que la Russie aura une armée trois fois plus importante que l’Allemagne en 1917.
Deux dynamiques thucydidéennes, ici :
- la GB, puissance établie, s’effraie des possibilités et des intentions de l’Allemagne, puissance montante
- l’Allemagne s’inquiète de la montée en puissance de la Russie
Étincelle
28 juin 1914 : l’archiduc d’Autriche François-Ferdinand est assassiné par un nationaliste Serbe. Vienne adresse un ultimatum inacceptable à la Serbie, qui pourtant cède sur toute la ligne. Le Kaiser est déçu par cette réponse qui empêche les hostilités de démarrer légitimement. Vienne déclare tout de même la guerre à la Serbie.
et la Chine ?
Comme l’Allemagne, elle a l’envie et les moyens de changer le statu quo vis-à-vis des EU.
Partie 3 : L’orage qui menace
Chapitre 5 : Et si la Chine était un pays comme un autre ?
Theodore Roosevelt
1897 : Theodore Roosevelt, issu d’une grande famille de New York, ancien de Harvard, ancien commissaire de la police de New York et auteur de 15 ouvrages, est nommé secrétaire adjoint à la Marine. D’après Roosevelt, les EU ont une mission civilisatrice et doivent se doter d’une puissance suffisante pour la mener à bien. Il glorifie l’épopée des colons dans sa Conquête de l’Ouest et souhaite que les EU soient les maîtres de leur continent. Les EU doivent être motivés par leurs intérêts propres, mais l’expansion américaine sera profitable à toutes les nations qui ne parvienne pas à se gouverner elles-mêmes. L’occupation des Philippines sera ainsi justifiée. La Providence a confié le rôle de gardien et de missionnaire aux EU, ceci pour tout l’Occident et ses valeurs chrétiennes.
Roosevelt prône un renforcement de la flotte américaine et prépare la guerre avec l’Espagne (Cuba) et le Japon (voisins d’Hawaii). En 1890, la marine ne possède aucun bâtiment de guerre ; elle en possédera 25 en 1905. Cela incitera notamment les Anglais à abandonner le contrôle de leurs eaux territoriales aux EU. Roosevelt souhaite ardemment une guerre avec l’Espagne, afin de chasser les Européens des Amériques, et une guerre avec la GB pour conquérir le Canada. Cela effraie le président McKinley, qui, d’après Roosevelt, « n’a pas plus d’échine qu’un éclair au chocolat ».
Guerre avec l’Espagne
15 février 1898 : USS Maine sombre près de la Havane après l’explosion d’une mine ; 266 marins meurent et la guerre est déclarée peu après. Roosevelt démissionne, se fait nommer lieutenant colonel et conduit en tête son régiment de cavaliers Rough Riders à la bataille de San Juan le 1er juillet 1898. Il décrira cette bataille comme le plus beau jour de sa vie. Après sa défaite, l’Espagne cède en décembre Porto Rico, Guam et les Philippines aux EU et Cuba déclare son indépendance.
Appliquer la doctrine Monroe
La doctrune Monroe a été développée par James Monroe en 1823. Il s’agit pour les Américains d’affirmer que le continent américain n’est plus ouvert à la colonisation, ni à aucune ingérence étrangère. Roosevelt n’aura de cesse de s’y référer. La doctrine Monroe est traitée avec mépris par les Européens ; la GB n’avait pas hésité à envahir les Malouines en 1833 ou le port nicaraguayen de Corinto en 1895. L’Allemagne avait envoyé ses navires intimider Haïti pour régler un différend commercial.
Roosevelt succède en 1901 au président McKinley après son assassinat ; le tandem McKinley-Roosevelt a remporté les présidentielles un peu plus tôt la même année.
1902 : l’Allemagne impose un blocus naval au Venezuela, qui refuse de rembourser ses dettes, coule des navires et menace de bombarder le port de Puerto Cabello. Roosevelt menace explicitement Berlin, lui sommant de choisir entre retirer ses navires ou les lui couler. Après l’occupation de Corinto par la GB, Roosevelt craint que le Venezuela ne tombe aux mains des Britanniques, qui sont en litige territorial avec ce pays au sujet des frontières de la Guyane britannique. L’ultimatum adresé à l’Allemagne incite Londres et Berlin à se retirer de la région.
Le canal de Panama
Rêve d’un canal reliant l’Atlantique au Pacifique depuis le 16ème siècle : Ferdinand de Lesseps conduira une tentative infructueuse en 1880 à Panama. Il est considéré comme nécessaire par Roosevelt. À l’époque, Panama est un département de la Colombie. 1903 : pour des raisons de souveraineté et de financements, la Colombie rejette le traité avec les EU permettant de creuser le canal. Roosevelt est furieux : « Il n’y a pas de raison qu’une bande d’imbéciles à Bogota puisse faire obstacle indéfiniment à l’une des futures grandes voies de la civilisation. » L’homme d’affaires français Philippe Bunau-Vanilla, intéressé dans le projet, informe Roosevelt qu’une révolution indépendantiste se prépare à Panama. Roosevelt envoie des navires bloquer l’accès à Panama aux potentiels navires colombiens, tandis que des Marines empêchent l’acheminement de renforts colombiens par voie de chemin de fer. Le Panama se déclare indépendant et Bunau-Vanilla négocie un contrat très avantageux pour les EU, en plus de rendre les produits d’importation moins chers pour les Américains, et leurs produits d’exportation plus compétitifs.
La frontière Alaska-Canada
En 1867, les EU achètent l’Alaska à la Russie. La frontière avec la Colombie britannique est mal définie. De l’or est découvert dans le Yukon en 1897. Il devient urgent de définir la frontière ; les gisements sont au Canada, les voies d’accès maritimes via le fleuve Klondike sont aux EU. Le Canada veut que sa frontière commence 50 km au large des côtes, les EU 50 km dans les terres. Ces revendications sont inacceptables pour Roosevelt, qui envoie des troupes pour protéger ses intérêts, et accepte de régler ce différend avec un tribunal, dont chaque partie nomme trois membres. La partie canadienne comprend deux Canadiens et un Britannique ; le vote britannique, représenté par Lord Alverstone, est donc crucial pour départager les deux pays. La GB, déjà étrillée sur la question vénézuélienne, ne tient pas à contrarier les EU et le différend est réglé en faveur des EU à 4 voix contre 2. Les EU récupèrent alors un territoire équivalent à l’état de Rhode Island.
Parallèle avec la Chine
L’action de police internationale des EU pour la sauvegarde des intérêts américains est communément nommée « le corollaire Roosevelt à la doctrine Monroe ».
Si la Chine était aussi ambitieuse que les EU de Roosevelt, les EU sauraient-ils se montrer aussi habiles que la GB pour éviter le conflit, par exemple ?
Chapitre 6 : Ce que veut la Chine de Xi
Xi Jinping : « retrouver sa grandeur passée ».
- retrouver la prééminence asiatique perdue à l’arrivée des Occidentaux
- rétablir le contrôle sur les territoires chinois historiques : Xinjiang, Tibet, Hong Kong, Taïwan
- contrôler des frontières et mers adjacentes
- être respectée par les autres grandes puissances, notamment dans les instances internationales
Vision chinoise :
Chine : « royaume du Milieu ». « Milieu » n’est pas une dénomination géographique, mais philosophique et spirituelle. « Milieu » doit s’entendre au sens de l’espace entre le ciel et la terre. Le récent essor de l’Occident au détriment de la Chine apparaît comme une anomalie historique aux yeux des officiels chinois ; la Chine a dominé l’Asie de manière ininterrompue pendant plusieurs millénaires.
John King Fairbank, fondateur de la sinologie moderne aux EU. Politique extérieure chinoise classique : (i) les Chinois veulent dominer leur région, (ii) être reconnus comme supérieurs par leurs voisins et (iii) utilisent cette domination pour façonner une « coexistence harmonieuse » avec les autres nations. La philosophie confucéenne méprise la coercition physique ; l’armée n’est appelée qu’en dernier recours. La Chine considère que les relations internationales doivent s’organiser de la même manière que la société chinoise même. La civilisation chinoise est ethnocentrique et culturellement suprématiste, se considérant elle-même comme le sommet de toute activité humaine. L’ordre et l’harmonie procèdent de la hiérarchie. Ainsi, il s’agit davantage pour la Chine de se maintenir au sommet de la hiérarchie internationale que d’étendre militairement son empire. La Chine ne se voit pas de mission universelle comme les EU de Roosevelt, mais souhaite que les barbares voisins reconnaissent sa supériorité.
Histoire récente :
La défaite chinoise face à la GB lors de la première guerre de l’Opium (1839) sonne le glas des prétentions chinoises. Le traité de Nankin cède Hong Kong à la GB et oblige la Chine à ouvrir 5 de ses ports. Le traité de Bogue contraint ensuite la dynastie Qing à reconnaître que la GB est l’égale de la Chine. La France se joint à la GB lors de la seconde guerre de l’Opium (1856), qui permettra un accès illimité des missionnaires chrétiens et le droit d’installation aux marchands étrangers. Le Japon, longtemps traité comme un vassal, s’empare en 1894 de la Mandchourie, de Taïwan et de la Corée. La révolte des Boxers en soutien des Qing est brutalement matée par une alliance de pays étrangers. La dynastie finira par tomber en disgrâce en 1912 et le pays sombrera dans la guerre civile pendant plusieurs décennies. L’invasion japonaise de 1937 fera 20 millions de morts. Mao Zedong mettra fin à ce siècle d’humiliations en 1949.
Xi Jinping
Fils du vice premier ministre Xi Zhongxun, collègue de confiance de Mao ensuite tombé en disgrâce et emprisonné aux 9 ans de Xi. Durant la Révolution culturelle, les gardes rouges contraignent Xi à dénoncer son propre père à de multiples reprises. Il est envoyé à la campagne pour y être rééduqué. Sa demi-sœur se suicide, succombant aux humiliations et aux privations. Xi décide de survivre en devenant « plus rouge que rouge » et tente 10 fois d’être intégré au Parti communiste avant d’y parvenir. Il gravit petit à petit les échelons et remporte un siège au Comité central en 1997. Xi est envoyé administrer le Zheijiang en 2002, où il est remarqué pour l’excellent développement économique de sa province et son talent à découvrir des entrepreneurs prometteurs e.g. Jack Ma, un des fondateurs d’Alibaba, concurrent sérieux d’Amazon. Xi est chargé par Ju Jintao d’éteindre un scandale de corruption à Shangaï, ce qu’il accomplit avec brio et finesse.
Reconnu pour sa compétence, il est élu par les 400 membres du Comité central au sein du Comité permanent de neuf membres. Le Comite central a tenté depuis la mort de Mao en 1976 d’empêcher l’avènement d’autocrates à la tête du pays. Le candidat idéal au Comité permanent est un technocrate compétent dépourvu de charisme. En deux ans comme secrétaire général du Parti, Xi concentre moults pouvoirs entre ses mains dont celui de chef des armées, prérogative que Mao lui-même n’avait pas réussi à obtenir. Il se fait nommer leader central et a supprimé la clause constitutionnelle l’empêchant d’enchaîner plus de deux mandats.
Le rêve chinois
Quatres fronts :
- Purifier le Parti des corrompus et lui rendre son sens de l’intérêt général
- Revitaliser le nationalisme et le patriotisme
- Mettre en oeuvre une réforme économique d’ampleur à l’image de celle conduite par Deng Xiaoping en 1978 (ouverture des marchés et création de zones économiques spéciales)
- Construire une armée chinoise puissante
Liu He (Direction des affaires financières et économiques) a identifié certains des défis auxquels la Chine devra faire face :
- empêcher que la Chine ne vieillisse trop vite, l’empêchant de devenir riche (démographie)
- favoriser l’innovation
- favoriser la stabilité sociale tout en réduisant la main d’oeuvre allouée aux entreprises nationales inefficaces
- produire l’énergie nécessaire au développement économique national sans rendre l’environnement inhabitable
La Chine a aussi des atouts. Le rejet du consensus de Washington sur les marchés financiers libres a permis à la Chine de bien supporter la crise de 2008. Tandis que les stimuli fiscaux et monétaires américains ont fini en réserve bancaires, le stimulus fiscal chinois a permis de construire des infrastructures (e.g. TGV). Objectifs séculaires énoncés par Xi :
- doubler le PIB par habitant avant 2021, auquel cas l’économie chinoise sera 40 % plus importante que celle des EU
- devenir un pays « modernisé, entièrement développé, riche et puissant » d’ici 2049.
Purifier le parti : les leçons de l’effondrement de l’URSS
Trois erreurs fatales de Gorbatchev selon Xi :
- relâchement du contrôle politique de la société avant la fin des réformes économiques
- PC devenu corrompu et inutile pour l’intérêt général
- dépolitisation de l’armée ; le PC se retrouve sans forces à son service propre
Xi compte bien asseoir la légitimité du parti en appliquant la leçon de Confucius : « gouverner par la vertu et diriger par le châtiment ». Depuis 2012, plus de 900 000 membres du parti ont fait l’objet d’une sanction disciplinaire. Xi exige la conformité idéologique des citoyens chinois et a, pour ce faire, organisé la surveillance et l’évaluation de masse du comportement des citoyens.
Restaurer la fierté nationale
Xi cherche à faire renouer les Chinois avec l’héritage impérial ; l’échec de la construction d’un homme nouveau par le socialisme est trop indubitable pour poursuivre sur la voie de Mao. Le Parti cherche donc sa légitimité à gouverner en encourageant le nationalisme. Il s’agit de montrer qu’il est un héritier naturel de l’empire et encourage ainsi la propagation de la philosophie confucéenne. Deux concepts clef
- fuxing : la renaissance
- wuwang guochi : « n’oubliez jamais notre humiliation nationale »
Ce faisant, le Parti parvient à convaincre les citoyens que le retour de la prééminence nationale est plus important que les libertés politiques.
Soutenir le développement économique
Promesse de Xi difficile à tenir : 6.5 % de croissance annuelle jusqu’en 2021. La légitimité du Parti est en jeu. Il s’agit d’une nécessité pour que les Chinois obtiennent un niveau de vie comparable aux pays économiquement avancés ; le revenu par tête y est aujourd’hui 30 % plus faible qu’en Espagne. Plusieurs obstacles se dressent face à la Chine pour y parvenir.
D’abord, tandis que la Chine se détourne peu à peu de la fabrication de produits à faible valeur ajoutée, Xi se méfie du piège tendu par la hausse des revenus moyens concomitante. Celle-ci pourrait en effet grèver la compétitivité chinoise. Une manière de ne pas freiner la croissance est de rééquilibrer l’économie vers le marché intérieur plutôt que vers l’export. Le secteur des services a ainsi bondi de 8 % en part de PIB en 2015. Le projet d’infrastructure des Nouvelles routes de la soie (One Belt, One Road) permet également de faire vivre les secteurs du bâtiment, de l’acier et du ciment maintenant que le pays a terminé de projets intérieurs prioritaires. Un contrôle accru sur toute l’Eurasie en résultera.
En termes de productivité, les sociétés d’État inefficaces ou en faillite sont rapidement éliminées par décision politique. La Chine investit en masse dans la R&D et dans la robotique. Sa stabilité politique permet des investissements sur plus d’une décennie dans des méga-projets (e.g. TGV, super-calculateurs), ce qu’une démocratie a plus de difficultés à accomplir.
Les défis environnementaux sont encore plus prégnants, d’autant que le caractère invivable de certaines villes finit par coûter des points de PIB à la Chine. Une rivière du Wenzhou était si saturée en déchets industriels qu’elle a prix feu en 2014 ! En réponse, 16 des 33 objectifs du dernier plan quinquennal sont environnementaux.
Relations avec les EU
Doctrine Monroe à la chinoise : Xi déclare « Il revient aux peuples d’Asie de gérer les affaires asiatiques, de résoudre les problèmes asiatiques et de maintenir la sécurité asiatique. ». Cela est notamment illustré par les tensions en mer de Chine méridionale. Au nom de la préservation de ses intérêts, la Chine annexe les îles Paracels en 1974 et prive les Philippins du contrôle du récif de Scarborough en 2012. De grands projets d’infrastructure militaires ont été conduits sur les îles Spratley pour prolonger la portée d’action des navires et des avions chinois. Il s’agit aussi d’écarter les navires espions américains et de contrôler davantage le transit des navires commerciaux très nombreux dans la zone.
Réorganiser l’armée chinoise
Xi souhaite rendre l’armée totalement obéissante au Parti et à son chef. Les campagnes anti-corruption lui ont permis de nommer des officiers loyaux à la tête de l’armée chinoise.
Les Chinois sont fascinés par les performances militaires américaines, qu’ils surnomment « magie américaine ». Exemple : opération Tempête du Désert, les forces irakiennes sont anéanties en un mois avec moins de 150 morts américains. Autre leçon de l’histoire : la crise du détroit de Taïwan de 1996. La Chine tente d’impressionner Taïwan, qui menace de déclarer son indépendance, par des tirs de missiles. L’envoi de deux porte-avions américains la fera renoncer à ses tentatives. La réorganisation de l’Armée de libération du Peuple (ALP) s’inspire de près du Goldwater-Nichols Act de 1986. La Chine renforce notamment sa flotte, son aviation et ses renseignements, prévoyant des tensions dans les mers voisines.
L’arsenal chinois est désormais considérable et peut empêcher les navires américains de s’aventurer en deçà de 1600 km des côtes chinoises. À cette distance, les avions américains conventionnels ne peuvent atteindre des cibles en territoire chinois. La doctrine air-mer du Pentagone consiste, en réponse, à détruire les batteries anti-navires avec des bombardiers de longue portée armés de missiles de croisière afin de permettre aux porte-avions de se rapprocher des cibles terrestres.
Chapitre 7 : Choc des civilisations
Samuel Huntington : la première source de conflits dans le monde d’après la guerre froide n’est pas idéologique, économique politique, mais culturelle. La civilisation constitue la forme d’organisation culturelle la plus expansive. La Chine appartient à la civilisation confucéenne, tandis que les EU sont de civilisation occidentale. Huntington ne souhaite pas démontrer que tous les conflits sont d’ordre civilisationnels, mais que les démarcations culturelles empêcheront l’avènement d’un ordre libéral universel, comme le décrivait Fukuyama en 1989. Un corollaire de ceci est que l’existence de valeurs universelles est un mythe occidental, insultant pour les autres civilisations e.g. les cultures asiatiques profondément particularistes. Kissinger : « La prétention des principes américains à l’universalité a introduit un élément provocateur dans le système international, en sous-entendant que les gouvernements qui ne les pratiquent pas ne sont pas entièrement légitimes. »
Opposition drastique entre culture confucéenne et occidentale ; les valeurs fondamentales d’autorité, de hiérarchie, de subordination de l’individu au collectif pour tendre vers l’harmonie et éviter le conflit contrastent avec l’importance accordée à la liberté, à l’individu et à la démocratie. En termes identitaires, la conception de l’identité chinoise est résolument ethnocentrée, ce qui conduit le gouvernement chinois à considérer les personnes d’ascendance chinoise ou de sa diaspora comme partiellement sous son autorité. La perception du temps diffère aussi entre l’Occident et la Chine ; l’appétence occidentale pour le court-terme s’oppose à la vision millénariste de la Chine. La résolution des problèmes par les autorités doit être immédiate en Occident tandis qu’en Chine, la prise en compte du long-terme permet de distinguer l’urgent du chronique. Inimaginable qu’en Occident, un dirigeant demande la report de la résolution d’un problème sur une génération (e.g. Deng Xiaoping sur les îles Senkaku) !
Point commun Chine-EU : complexe de supériorité culturel. Si les Américains sont fiers des réalisations politiques obtenues au nom de la liberté tout au long de leur histoire, l’ordre constitue le principe politique fondamental (Confucius : « Connais ta place dans le monde. »). Les Américains voient donc le gouvernement comme un mal nécessaire contrebalancé par une démocratie forte. Au contraire, les Chinois considèrent le gouvernement comme garant de l’ordre et, donc, comme étant intrinsèquement bon. La légitimité du gouvernement chinois provient pas du peuple, mais de sa performance dans la tenue des affaires et de sa compétence. En termes d’attitude vis-à-vis de l’étranger, le caractère missionnaire des EU s’oppose au caractère auto-centré de la Chine ; inutile d’être prosélyte, il est normal que les « barbares » viennent s’inspirer de l’empire et se soumettre, l’empire étant la seule véritable civilisation entre ciel et terre. La différence de complexe de supériorité culturel influence aussi la conception de l’ordre international de chacune des nations. Si les EU considèrent un ordre international régulé et conduit par des principes fondamentaux (e.g.État de droit, droits de l’Homme, démocratie), la Chine considère que l’ordre international doit refléter l’importance de chacun, l’idéal étant qu’il reflète l’ordre intérieur à la Chine.
Quelques penchants stratégiques chinois :
- Contrairement aux EU, la Chine ne se sent nul besoin de justifier moralement ses actions, tant que ses intérêts sont préservés
- La guerre est avant tout d’ordre psychologique et économique pour les stratèges chinois. La force ne saurait être qu’un ultime recours. Sun Tzu : « Ceux qui sont experts dans l’art de la guerre soumettent l’ennemi sans combats »
- La Chine ne cherche pas à obtenir la victoire à l’aide de quelque action éclatante ou décisive, mais en avançant ses pions petits à petits, obtenant avantage par avantage
Notion | EU | Chine |
---|---|---|
Perception de soi | Numéro un | Centre de l’univers |
Valeur fondamentale | Liberté | Ordre |
Gouvernement | Mal nécessaire | Bien nécessaire |
Institutions | Démocratie | Autoritarisme |
Modèle | Missionnaire | Inimitable |
Étrangers | Société inclusive | Société exclusive |
Horizon temporel | Présent | Éternité |
Changement | Invention | Restauration et évolution |
Politique étrangère | Ordre international régulé | Hiérarchie harmonieuse |
Chapitre 8 : En attendant la guerre
Les conflits récents impliquant la Chine
- Corée, 1950-1953 : Invasion de la Corée du Sud par la Corée du Nord en juin 1950. La situation est critique côté Sud. MacArthur, commandant des forces alliées au Japon, intervient et repousse les Nord-Coréens au 38ème parallèle en 3 mois et menace de réunifier la Corée en poussant plus au Nord. La Chine, pourtant victime d’un guerre civile meurtrière un an plus tôt, mobilise une armée de 300 000 hommes et repousse les Américains au 38ème parallèle. MacArthur demande à Truman la permission d’utiliser les armes nucléaires. Ce dernier refuse et MacArthur est limogé. N.B : pour plus de détails, voir l’excellent documentaire Corée, une Guerre sans fin de John Magio sorti en 2017.
- Frontière sino-soviétique, 1969 : après une multiplication des heurts frontaliers entre l’URSS et la Chine, 650 000 soldats chinois sont alignés face à 290 000 soldats et 1200 avions soviétiques. Les généraux soviétiques estiment qu’une frappe nucléaire préventive calmerait les ambitions chinoises et contactent discrètement les EU pour évaluer leur réaction. Sachant que Washington interviendrait, ils y renoncent. 12 mars 1969 : embuscade chinoise réussie sur l’île Zhenbao, parfaite illustration du concept de défense active.
- Détroit de Taïwan, 1996 : Menace de déclaration d’indépendance de Lee Teng-Hui. La Chine réplique par des tests de missiles dans les eaux de Taïwan. Les EU envoient l’USS Nimitz et l’USS Independence sur place.
- Mers de Chine, aujourd’hui : provocations des navires chinois envers les navires et avions américains.
Déclencheurs
Un feu de forêt est plus souvent démarré par un mégot jeté par inadvertance que par un pyromane. Il en va de même pour les conflits armés de grande envergure. Deux facteurs facilitent une prise de décision chinoise en faveur de la guerre :
- les EU ont militairement échoué en Corée, au Vitenam, en Afghanistan et en Irak. La seule victoire, foudroyante celle-ci, est l’opération ayant bouté Saddam Hussein hors du Koweït
- l’opinion publique américaine est très hostile aux pertes humaines importantes, ce qui est bien moins vrai en Chine.
Notion de brouillard de guerre développée par Clausewitz : agrégat d’accélérateurs transformant une broutille en guerre. « La guerre est le domaine de l’incertitude ; les trois quarts des éléments sur lesquels se fonde l’action restent dans les brumes d’une incertitude plus ou moins grande », De la guerre. De nombreuses armes nouvelles dites « de perturbation » accentuent cette incertitude et sont directement intégrées dans les stratégies américaines de shock and awe introduites depuis l’opération Tempête du Désert (1991), e.g. destruction de systèmes de communication et d’outils de renseignement. Les armes antisatellites ou les cyberattaques en sont de bons exemples. Ces armes de perturbation ont un effet accélérateur de conflit per se en encourageant une disproportion des moyens employés. Une cyberattaque doit être suffisamment agressive d’entrée pour parer la contre-attaque qui la rendrait impossible ensuite.
Thomas Schelling (prix Nobel d’économie) : en termes de concurrence stratégique, la bonne prise en compte des anticipations par chacun des acteurs se déroule selon un chicken game. Le jeu consiste à faire rouler deux voitures l’une vers l’autre et face à face, chacune ayant sa roue gauche sur la ligne médiane de la route. Le premier qui dévie, le pleutre, a perdu. L’application aux collisions en mer de Chine est directe. La partie qui cède régulièrement se verra progressivement repoussée hors de la mer de Chine. Ce jeu permet à un Etat de signaler à son rival qu’il tient davantage que lui atteindre son objectif en prenant davantage de risques.
Un scénario : collision accidentelle en pleine mer
Les EU, au nom de la liberté de navigation, naviguent près des côtes chinoises. Supposons qu’un destroyer américain passe au large de l’île artificielle Mischief équipée depuis peu d’une piste d’atterrissage et de systèmes de défenses antimissile et antiaériens. Les garde-côtes harcèlent le destroyer, une collision se produit et un navire chinois sombre. Deux extrémités ; laisser partir le destroyer ou le couler immédiatement. Un entre-deux possible empêchant l’escalade tout en affirmant la volonté de souveraineté chinoise : bloquer le destroyer américain avec un croiseur, lui sommer de capituler et faire juger l’équipage américain en Chine pour le forfait commis.
Vu du côté américain, la solution médiane est une nouvelle provocation. Le harcèlement de leur destroyer en eaux internationales est une infraction au droit maritime. Faut-il céder ? Les alliés philippins et japonais pourraient prendre peur. L’envoi d’avions stationnés au Japon ou le déploiement de bombardiers B-2 à Guam est une solution médiane côté américain.
Le miroir grossissant de l’incertitude intervient alors. L’opinion chinoise est outrée par les pertes humaines et le déploiement des avions inquiète. Le commandement chinois local panique ; les avions déployés subissent le feu d’une batterie de missiles et le destroyer américain est coulé, causant des centaines de morts et 3 milliards de dollars de pertes sèches en matériel militaire. En réponse, le président américain ordonne la destruction des installations militaires chinoises sur les îles Mischief. Il s’agit là encore d’une solution médiane car le territoire chinois proprement dit n’est pas attaqué et seules les bases attaquantes sont touchées.
Sachant qu’une attaque sur les bases militaires américaines de Guam et du Japon mènerait à la guerre immédiate (c.f. Pearl Harbor), Xi Jinping choisit une solution intermédiaire recourant aux armes anti-satellites et aux cyber-attaques pour paralyser les systèmes de commandement à distance et de contrôle des forces américaines dans la région. Les EU interprètent ces actions comme le début d’une attaque généralisée contre les forces navales américaines déployées dans la région et pilonnent les bases de missiles en territoire chinois pouvant notamment couler les portes-avions américains stationnés au voisinage de la Chine (plan de bataille air-mer).
Autres scénarii : Le Japon, la Corée du Nord et le conflit économique
D’autres scénarii sont possibles. Une déclaration d’indépendance de Taïwan (comme en 1996) est plausible, l’escalade démarrant de l’envoi préventif de navires américains après menace d’embargo de la Chine. La guerre peut être aussi causée par une tierce partie. Le Japon, de plus en plus militariste, réclame la révision de la constitution pacifiste imposée par les EU au sortie de la Deuxième Guerre Mondiale depuis quelques années. Une confrontation Chine-Japon pour le contrôle des îles Senkaku n’est pas inenvisageable. Une collision accidentelle entre navire de guerre chinois et un navire civil japonais peut mettre le feu aux poudres. L’effondrement de la Corée du Nord peut aussi être l’occasion de confrontations entre des alliés de Washington et la Chine. La mort de Kim Jong-Un sans héritier politique légitime et le désordre qui en découlerait peut encourager le commandement militaire du Nord à envahir le Sud, ce qui mènerait directement à une intervention américaine. La volonté de maintien d’un état tampon avec la Corée du Sud peut aussi motiver une intervention militaire chinoise.
Le conflit économique peut aussi se muer en conflit militaire. Une administration américaine peut tout à fait pointer du doigt la triche chinoise en termes de monnaie, de propriété intellectuelle, de subventions industrielles, d’accord commerciaux et de manipulation des prix des exportations. Les EU peuvent exiger de Pékin qu’elle comble le déficit commercial abyssal entre les deux pays après avoir « volé » les Américains durant tant d’années. Le déficit américain a augmenté de 250 % depuis l’entrée de la Chine dans l’OMC en 2001 et atteint 345 milliards de dollars de nos jours.
Imaginons que la Chine accepte de cesser ses interventions sur le marché des changes. Le yuan dévisse, favorisant encore davantage l’essor des exportations chinoises. La Chine peut aussi revendre en masse les titres de dette américaine qu’elle détient (1000 milliards de dollars). Le marché obligataire panique et les taux d’intérêts explosent.
Des sanctions commerciales américaines peuvent aussi s’appliquer.
En guise de représailles, les douaniers chinois peuvent aussi augmenter leurs propres droits de douane et refuser les importations alimentaires américaines pour raisons sanitaires, par exemple. La production chinoise ralentit, ce qui a des conséquences sociales. Des manifestations de masse apparaissent en Chine. Des cyberattaques attribuées à la Chine ciblent les systèmes de transaction financière américains. Des millions d’Américains n’ont plus de compte en banque enregistré et donc, plus un sou. En panique, les Américains font la queue au guichet des banques pour retirer leurs économies. Les banques menacent de faire faillite. Le commandement américain doit faire cesser ces attaques ; l’existence même de l’économie américaine est en jeu. Ainsi, Les EU attaquent physiquement le QG de l’unité 61398 de l’ALP à Shangaï, comprenant les meilleurs cyber-attaquants chinois, à l’aide de drones. C’est la guerre.
Tous ces scénarii et leurs composantes en font des suites d’événements probables. En de telles condition, le Piège de Thucydide mène-t-il inexorablement à la guerre ?
Chapitre 9 : Douze clés pour la paix
Des exemples historiques montrent que l’on peut échapper à la guerre en présence des mécaniques du Piège de Thucydide.
Espagne vs Portugal
À la fin du XVème siècle, le Portugal est une puissance maritime qui surpasse de loin son voisin espagnol. Les Portugais se libèrent des maures en premier en 1249. Henri le Navigateur encourage le développement technologique et les rapides caravelles sont conçues sous son règne. Des cartes nautiques remarquables de précision et d’étendue sont tracées. La situation change lorsque les Espagnols finissent par se libérer des Maures en 1492 avec la reprise de Grenade, sous l’impulsion d’Isabelle de Castille et de Ferdinand d’Aragon mariés en 1469. La même année, Christophe Colomb, missionné par l’Espagne, découvre l’Amérique. L’Espagne développe considérablement son économie tandis que les innovations portugaises ralentissent. Ironiquement, Jean II, le successeur d’Henri décédé en 1460, a initialement refusé de financer l’expédition de Christophe Colomb, qui s’est tourné vers la couronne d’Espagne.
Le Piège de Thucycide est enclenché. La concurrence de l’Espagne en matière maritime et coloniale inquiète son voisin portugais. Des conflits sur la prééminence des deux puissances sur les nouveaux territoires sont certains d’arriver. Ferdinand et Isabelle demandent alors l’entremise du pape Alexandre VI pour jouer l’arbitre. Une ligne est tracée assignant le Nord de l’Amérique à l’Espagne et son Sud au Portugal. Sur cette base modifiée par la suite, le traité de Tordesillas de 1494 s’établit et aucun conflit n’est survenu entre les deux puissances pendant un siècle.
Clé 1 : L’entremise d’une autorité supérieure peut apaiser les rivalités et empêcher la guerre.
Ce rôle peut être aujourd’hui joué par les Nations Unies. La libre interprétation des articles de sa charte par ses membres peut nous laisser dubitatif (e.g. 2003 : fausses armes de destruction massives et invasion de l’Irak par les EU). La Chine accuse fréquemment les EU d’invoquer hypocritement le droit international pour servir ses intérêts propres.
Allemagne vs France et GB
Après la Seconde Guerre Mondiale et face à la concurrence Soviétique, l’OTAN est fondé pour « maintenir les Soviétiques à l’extérieur, les Américains à l’intérieur et les Allemands sous tutelle ». Sous l’impulsion de quelques hommes — N.B. : et un soutien conséquent des EU, c.f. Philippe de Villiers J’ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu (2019) et Antonin Cohen De Vichy à la Communauté Européenne) — de nombreux traités économiques sont signés entre pays européens ; Création de la CEE par le Traité de Rome (1957), l’Acte unique européen (1986) initiant le marché unique, qui deviendra effectif en 1993 avec le traité de Maastricht et l’institution des « quatre libertés » de circulation : biens, services, personnes et capitaux, le traité de Lisbonne en 2007 dote l’UE d’institutions propres.
Après la réunification allemande dans les années 1990, l’Allemagne est devenue un géant économique. La perspective de la réunification allemande a considérablement effrayé la France et la GB ; l’Allemagne deviendrait la première puissance du continent sans aucun doute. Néanmoins, aucune guerre n’est venue interrompre l’expérience européenne malgré la présence de mécaniques de type « Pièce de Thucydide ».
Clé 2 : Les Etats peuvent faire partie d’institutions économiques, politiques ou sécuritaires plus vastes qui contraignent des mécanismes type « Piège de Thucydide »
Si l’UE et l’OTAN venaient à s’affaiblir, assisterait-on à un retour d’une armée allemande, actuellement insignifiante militairement ? Le Piège de Thucydide entre l’Allemagne et ses voisins serait-il de retour ?
EU vs GB :
Au début du XXème siècle, les EU ont supplanté la GB économiquement et militairement. Les relations sont restées tendues après la guerre d’indépendance, où les Anglais ont failli soutenir les confédérés. Les Américains, dont Théodore Roosevelt, n’ont pas non plus oublié l’incendie de la Maison Blanche lors de la guerre de 1812.
1895 : querelle territoriale entre le Venezuela et la Guyane britannique. Les EU exigent un arbitrage, au nom de la doctrine Monroe. Les Britanniques n’accepteront finalement qu’après la menace d’une déclaration de guerre. Le Premier ministre britannique de l’époque Lord Salisbury en vient à penser que les EU sont un adversaire plus probable que l’alliance franco-russe. L’expansion de la flotte américaine initiée par Theodore Roosevelt inquiète aussi la GB. La concurrence de l’Allemagne et la guerre des Boers inciteront la GB à abandonner la suprématie sur le continent américain aux EU sans combattre, notamment lors de l’arbitrage EU-Canada de 1904.
Les Anglais ont trouvé le moyen de satisfaire les exigences américaines sans pour autant sacrifier à leurs intérêts vitaux, faisant de leur relation privilégiée avec les EU un point essentiel de leur politique étrangère.
Clé 3 : Les hommes d’État avisés font de nécessité vertu et savent faire la différence entre besoins et manques
Les politiques britanniques de l’époque ont compris que la puissance grandissante des EU ne pouvait aller sans certaines revendications, et ont choisi de se concenter sur les menaces européennes immédiates.
Clé 4 : Le moment choisi est décisif
L’histoire ne repasse pas les plats. Les Anglais ont compris qu’il était trop tard pour circonscrire la puissance américaine à des limites acceptables. Lord Salisbury (1902) : « C’est bien triste, mais je crains que l’Amérique ne prenne inévitablement l’ascendant et que rien ne puisse restaurer l’égalité entre nous. Si nous étions intervenus dans la Guerre de Sécession, il aurait été possible de ramener la puissance des EU à des proportions acceptables. Mais deux occasions semblables ne sont jamais accordées à une nation au cours de sa carrière. »
Clé 5 : Une culture commune peut contribuer à prévenir les conflits
EU vs URSS :
Les EU s’interrogent sur les intentions des Soviétiques après la victoire sur le nazisme en 1945. Paul Samuelson, dans son célèbre manuel de 1948, prédit que le PIB soviétique dépassera le PIB américain dans les années 1980. Une partie des politiques américains est convaincue que l’URSS est aussi incompatible avec la démocratie que le nazisme, et qu’il faudra détruire l’URSS ou la changer. Une série d’épisodes prouvent aussi la volonté d’expansion des communistes : coup d’État en Tchécoslovaquie (1948), la victoire des communistes chinois (1949), l’invasion de la Corée du Sud par le Nord communiste (1950). 1945-1955 : le PIB soviétique double. 1955-1965 : croissance de 50 %. Les dépenses militaires soviétiques sont considérables, et le monopole des EU sur l’arme nucléaire se termine en 1949 lorsque l’URSS teste sa première bombe nucléaire. Khrouchchev (1956) : « l’histoire est de notre côté, nous vous enterrerons ».
La présence d’armes nucléaires change radicalement la manière d’appréhender les conflits. Le rapport NSC-68 de Paul Nitze dessine les contours du nouveau visage de la guerre. Clausewitz : la guerre est une extension de la politique étrangère. Avec l’arme nucléaire, la guerre peut mener au suicide national et change de nature. De nouveaux biais sont trouvés ; guerre de l’information, guerre économique, opérations secrètes, guerre par procuration (Corée, Angola, Afghanistan).
La guerre froide (terme inventé par George Orwell), se pare de « règles du statu quo » bipartites (John F. Kennedy) qui proscrivent l’usage de l’armement nucléaire, la volonté délibérée de causer la mort de militaires soviétiques ou américains ou l’intervention directe dans la sphère d’influence des EU ou de l’URSS ; contrôle de la croissance des arsenaux nucléaires, règlements aériens et maritimes pour éviter les collisions accidentelles.
La stratégie américaine du containment repose sur trois piliers :
- l’URSS représente une menace existentielle pour les EU
- la politique étrangère américaine doit avant tout préserver les EU, ses institutions et ses valeurs (America First revisité)
- des alliances, même contraignantes, sont nécessaires
Sur ce dernier point, la mise en place du plan Marshall, la création du FMI, du GATT, de l’OTAN sont autant de moyens d’affaiblir l’influence de l’URSS. L’affaiblissement de l’URSS passe aussi par la preuve d’efficacité de l’économie de marché.
Clé 6 : Rien de nouveau sous le soleil, sinon l’arme nucléaire !
Effet « boule de cristal » : tout homme d’État qui penserait utiliser la bombe nucléaire contre un état capable de répliquer de même doit s’attendre à la mort de dizaines, voire de centaines de milliers de ses compatriotes.
Clé 7 : L’équilibre de la terreur rend toute guerre totale inenvisageable
Ronald Reagan : « Il n’y a jamais de vainqueur dans une guerre nucléaire, et c’est pourquoi il ne faut jamais s’y risquer ».
Churchill : « par une sublime ironie, notre sécurité est devenue l’enfant de la terreur et notre survie la soeur jumelle de notre annihilation ».
Clé 8 : Une guerre véritable entre deux superpuissances n’est donc plus justifiable
Clé 9 : Les dirigeants de superpuissances nucléaires doivent malgré tout se préparer à l’éventualité d’une guerre qu’ils ne pourront pas gagner
Si aucune nation ne peut remporter une guerre nucléaire, chaque nation doit démontrer qu’elle peut être prête à perdre une telle guerre. Il s’agit encore du chicken game mentionné ci-dessus. Si une des nations n’est pas prête à courir le risque de perdre un conflit nucléaire, l’autre partie peut toujours atteindre ses objectifs en menaçant de recourir à l’arme nucléaire.
Clé 10 : Une grande interdépendance économique entraine une hausse du coût de la guerre et en réduit la probabilité
Si les EU et la Chine sont liés par un équilibre de la terreur nucléaire, ils sont tout autant liés par un équilibre de la terreur économique. Les EU sont le plus gros marché pour les exportations chinoises, et la Chine a besoin des bons du Trésor américains. Les puissances européennes étaient déjà dans cette situation à la veille de la Première guerre mondiale, mais l’interdépendance actuelle est bien plus profondément enracinée aujourd’hui. Les chaînes logistiques sont encore plus intégrées, si bien que quasiment tous les produits américains ont des composants chinois. Réciproquement, la Chine a cruellement besoin d’hydrocarbures, qui transitent par tous les océans du monde, océans contrôlés par la Marine américaine pour encore un bon moment.
Clé 11 : les alliances peuvent aussi se révéler fatales
L’audace grandissante de la Chine a suscité des réactions fortes de ses voisins. Le Japon, la Corée du Sud, les Philippines, le Vietnam et l’Inde se sont mises à coopérer et se sont montrées plus déférentes envers les EU. Si ces alliances permettent un équilibre des pouvoirs entre puissance, l’épisode de la Guerre du Péloponnèse a aussi montré que les alliances peuvent accélérer la survenue de conflits. Les EU doivent donc être attentifs à ce qu’impliquent leurs alliances avec les pays voisins de la Chine.
Clé 12 : La situation intérieure est décisive
Trois facteurs essentiels : (i) la performance économique crée l’infrastructure nécessaire à la puissance nationale ; (ii) un gouvernement compétent mobilise les ressources nécessaires à la politique intérieure ; (iii) l’optimisme national soutient (i) et (ii). Les nations réunissant ces trois facteurs de manière durable ont tendance à influencer le cours de l’Histoire. Par exemple, si les EU s’étaient montrés faibles économiquement ou mal gouvernés à la fin du XIXème, ou divisés comme avant la guerre de Sécession, la GB n’aurait pas aussi sûrement perdu de l’importance. De même, sans la perte de croissance économique de l’URSS, les pays d’Europe occidentale auraient pu tomber dans son giron, tous comme de nouveaux pays d’Asie.
Chapitre 10 : Quelle direction pouvons-nous prendre ?
En vérité, les EU n’ont pas de solution miracle pour faire face au retour fracassant de la Chine, un pays de 1.4 milliards d’habitants avec une civilisation vieille de 5000 ans. Si la tendance économique chinoise actuelle se poursuit, la Chine pourrait disposer d’un PIB trois fois supérieur à celui des EU pour peser dans l’ordre international. En l’état, un ordre mondial fondé sur l’hégémonie militaire et économique des EU est impensable. Les EU peuvent-ils prospérer dans un monde dominé par la Chine ? Dans un monde où elle déciderait des règles et façonnerait l’ordre international ?
Plaidoyer pour l' »histoire appliquée », comme l’ingénierie est de la plysique appliquée. Trois questions clefs sur la Chine que l’histoire appliquée peut aider à résoudre :
- Quelle est la réalité de la concurrence entre la Chine et les EU ?
- Comment en est-on arrivé à ce « défi chinois » ?
- Comment les acteurs étrangers perçoivent-ils cette résurgence de la Chine ?
La stratégie américaine vis-à-vis de la Chine est fondamentalement contradictoire. Depuis la fin de la guerre froide, la stratégie engage but hedge mène à des oxymores en termes de gouvernement. Le Département d’Etat et le Trésor s’efforcent de tisser des relations plus étroites avec la Chine, l’invitant dans les institutions internationales avec des petites tapes sur les mains de temps en temps concernant le mépris de la propriété intellectuelle, par exemple. En revanche, le ministère de la Défense s’efforcent toujours de maintenir la supériorité militaire américaine et renforcent les liens de défense avec la Corée du Sud, le Japon et l’Inde.
Cette approche ne tient pas compte des spécificités chinoise ; elle est une copie conforme des stratégies employées avec l’Allemagne et le Japon après la Seconde guerre mondiale, pays qui ont été occupés par les EU et dont la constitution même a été rédigée par ces derniers ! Par l’accroissement de sa richesse, la Chine prétendra être acceptée pour ce qu’elle est, et non comme un membre statutaire du club des pays occidentaux.
Existe-t-il des stratégies différentes applicables et préférables à la stratégie engage but hedge ?
Une première solution pour les EU consiste à s’adapter à la nouvelle réalité du monde. L’adaptation peut se produire de facto ; le retrait britannique des affaires américaines à la fin du XXème siècle est un exemple d’une telle adaptation. Une autre forme d’adaptation consiste à négocier avec son adversaire selon la réalité du terrain. À Yalta, malgré la présence écrasante des Soviétiques dans les pays de l’Est, Roosevelt et Churchill ont exigé de Staline la tenue d’élections dans ces derniers. Un accord analogue Chine-EU consisterait à limiter le soutien américain à Taïwan en échange de concessions territoriales en mer de Chine, ou à dénucléariser la Corée du Nord en échange du retrait des troupes américaines de Corée du Sud.
Une deuxième solution pour les EU consiste à déstabiliser la Chine. Encourager un changement de régime et diviser l’opinion publique chinoise est une option plausible. Le communisme est considéré comme une avanie dans tous les pays qui l’ont subi, et les EU n’ont jamais hésité à qualifier la folie communiste comme il se doit, notamment lorsque Reagan parlait d’Empire du Mal. De même, le soutien des EU aux mouvements indépendantistes est une constante de la politique extérieure américaine. Un soutien apporté en secret aux séparatistes à Taïwan, au Tibet ou au Xinjiang ne serait nullement surprenant de la part des Américains. L’existence de Taïwan prouve l’appétence des Chinois pour la liberté individuelle et l’économie de marché. Les EU pourraient utiliser ce goût des jeunes chinois pour la liberté individuelle et encourager la dissidence chinoise, et ce d’autant plus que 300 000 étudiants chinois viennent étudier aux EU chaque année.
À l’image de la paix de Trente Ans signée entre Sparte et Athènes, les EU et la Chine pourraient négocier des contraintes dans les domaines où leur concurrence est la plus féroce, notamment pour satisfaire des exigences politique intérieure. La détente entre américains et Soviétiques (accords SALT) négociée par Kissinger et Nixon a été notamment pressée par l’exaspération de l’opinion publique américaine à propos de la guerre au Vietnam et le renforcement du mouvement des droits civiques. Des accords pourraient être trouvés sur les points les plus essentiels aux yeux des EU et de la Chine. Un exemple parmi de nombreux cités : les EU peuvent cesser leurs dénonciations des violations de droits de l’homme en Chine en échange de contraintes sur l’espionnage industriel chinois.
La relation Chine-EU peut aussi se redessiner autour de thématiques internationales incontournables. Quatre grandes menaces aujourd’hui : (i) armageddon nucléaire ; (ii) anarchie nucléaire ; (iii) terrorisme mondial ; (iv) changement climatique. L’armageddon nucléaire peut être évité en se prémunissant des chicken game par des contraintes négociées par les deux nations. L’anarchie nucléaire est une menace prégnante. De plus en plus de pays accèdent à l’arme nucléaire, qui pourrait un jour tomber aux mains de groupes terroristes. Des pays tels que le Pakistan et la Corée du Nord sont des racines potentielles à la survenue d’une tel problème. La coopération américaine avec la Chine et la Russie a permis de prévenir les ambitions nucléaires iraniennes pour quelque temps. Il en va de même pour les armes bactériologiques et les autres formes de méga-terrorisme. En ce qui concerne le réchauffement climatique, les principaux émetteurs mondiaux de gaz à effets de serre sont la Chine et les EU. Des contraintes mutuelles décidées à l’image des contrats de non-prolifération sont envisageables.
Conclusion
En résumé, quatre injonctions permettront aux EU et à la Chine d’éviter de tomber dans le Piège de Thucydide :
- Définir les intérêts vitaux des EU : quel prix les EU sont-ils prêts à payer pour soutenir l’indépendance de Taïwan ou empêcher l’influence chinoise en mer de Chine ?
- Comprendre les intentions de la Chine : se connaître soi-même et son ennemi.
- Établir une stratégie : la politique étrangère américaine s’apparente trop à un art de l’improvisation, ou à la préservation de la Pax Americana postérieure à la guerre froide. Cela ne suffit pas quand les forces en présence évoluent en défaveur des EU
- Se concentrer sur les défis intérieurs : Quel est le plus grand défi pour la sécurité nationale de la Chine ? des EU ? Quel sont les menaces pour la position dans l’ordre international de la Chine ? des EU ? Les réponses à ces questions relèvent aussi de la politique intérieure des états. Les divisions intérieures minent les EU, tout comme la surveillance généralisée de bureaucrates chinois ne saurait tenir longtemps face à de jeunes chinois partant étudier à l’étranger et interconnectés à l’aide des NTIC.